Mannequin un jour, mannequin toujours! (Part One)

Les modèles pédagogiques du Docteur Auzoux : deuxième ! Afin d'occuper vous longues journées au coin du feu en cette période de vacances, le Service du patrimoine historique vous propose de découvrir une seconde histoire sur ces objets. Si vous avez raté notre précédente actualité, jetez-vous sur le gorille (enfin, sur la lecture de l'histoire du gorille) ! N'oubliez pas l'exposition "Prodiges de la nature, les créations du docteur Auzoux (1797-1880). Collections de l’Université de Montpellier" se tiendra du 1er février au 9 avril 2017 à l'espace Bagouet, en partenariat avec la ville de Montpellier.

 

 

 

MANNEQUIN D’HOMME CLASTIQUE COMPLET - 1911

 Carton-pâte, métal, fibres végétales

186x74x67 cm (hauteur avec socle)

Inscrit MH le 30/07/2013

Faculté de médecine de l’Université de Montpellier

 

 

À la fin du XVIIIe siècle, de profonds changements s’opèrent dans le monde médical français afin de passer d’une médecine spéculative à une médecine basée sur l’expérimentation. La création des écoles de santé en 1794 a permis cela en introduisant des enseignements pratiques qui nécessitent de trouver des corps pour les dissections [1]. Afin de s’affranchir du cadavre, les anatomistes font appel à des artistes pour créer des modèles artificiels mais jusqu’aux travaux de Louis Auzoux, ils restent trop coûteux et fragiles.

 

Lorsqu’il présente ses deux premiers modèles de sections anatomiques en 1822 et 1823 devant l’Académie royale de médecine et la Société médicale d’émulation, Louis Auzoux reçoit un vif succès. Le Ministère de l’intérieur lui subventionne alors la fabrication d’un mannequin complet d’homme qu’il soumet à l’Académie en 1825 [2]. À l’exception des dents, il innove avec un modèle entièrement artificiel composé de 66 numéros et de 356 objets de détails référencés sur un tableau synoptique et dont la matière, extrêmement solide, permet de reproduire fidèlement et en série l’anatomie [3]. Malgré les compliments qui lui sont adressés, Auzoux reste insatisfait. Il perfectionne sa technique pour proposer en 1830 un nouveau mannequin, plus complet et sophistiqué moulé à partir d’un cadavre d’homme sain. Celui-ci adopte la position de l’Antinoüs antique avec une stature athlétique d’1,80 m de hauteur. Une coupe verticale partage le sujet en deux : le côté droit offre au regard l’homme écorché tandis que le gauche permet une dissection complète et en quelques minutes jusqu’au squelette grâce à 130 numéros d’ordre et 1700 objets de détails. Il est maintenu verticalement à l’aide d’une tige de fer dans sa jambe droite fixée sur un socle en bois [4]. Les conclusions de l’Académie sont élogieuses : le modèle est beaucoup plus abouti, avec des détails qui ont plus que doublés au moyen de coupes ingénieuses et les os sont reproduits avec une vérité telle qu’il serait possible de les prendre pour des os véritables [5].

 

Ainsi, Louis Auzoux ne prétend pas se soustraire aux dissections [6] mais il souhaite diminuer le temps passé dans les amphithéâtres et faciliter l’étude de l’anatomie en toute saison et dans tous les pays du monde. Il veut aussi démocratiser son enseignement [7].

Si son prix élevé de 3 000F a limité sa diffusion, ce mannequin est commercialisé jusque dans les années 1970 [8]. Celui de la faculté de médecine de Montpellier a quant a lui été acheté en 1911 et a fait l’objet d’une restauration complète.

 

Cet article a été rédigé par Noémie Aumasson-Miralles, chargée de collections muséales au Service du patrimoine historique de l'Université de Montpellier.



[1]    Grob Bart, The world of Auzoux : Models of man and beast in papier-mâché, Museum Boerhave, Leiden, 2000, pp.8-9.

[2]    Motel Jean-Jacques, L’anatomie clastique et le Musée de l’écorché d’anatomie du Neubourg, Jean-Jacques Motel, 2004, p.15-16.

[3]    Degueurce Christophe, Corps de papier : l’anatomie en papier mâché du docteur Auzoux, La Martinère, Paris, 2012, p.27.

[4]    Auzoux Louis, Notice sur les travaux anatomiques de M. Auzoux, Paris, 1831, pp. 8-9

[5]    Académie royale de médecine, Rapport sur une pièce d'anatomie artificielle du Docteur Auzoux, Paris, 1831, p.11.

[6]    Auzoux Louis, Notice sur les préparations artificielles de M. Auzoux, Paris, 1825, p.9.

[7]    Auzoux, 1831, p.7.

[8]    Degueurce Christophe, « Les collections de modèles anatomiques équins de Louis Auzoux, une collection à constituer », In Situ [En ligne], 27 | 2015, mis en ligne le 02 novembre 2015, consulté le 31 octobre 2016. URL : http://insitu.revues.org/11950 ; DOI : 10.4000/insitu.11950, p. 27.